Ce premier article du blog pour l'année 2016 va traiter de l'art du thé chinois que beaucoup connaissent sous le nom de gong fu cha. Traiter ou du moins tenter car, si il en est de certains sujets complexes, l'art du thé chinois est aussi vaste que les océans du globe et que l'amour d'une mère pour son enfant ! Cet article est le résultat de nombreuses recherches et expériences que nous avons menées jusqu'à maintenant et qui sera forcément amené à évoluer au fil de nos prochaines rencontres et expériences.
L'art
Le titre de l'article ne pourrait être finalement considéré que comme une répétition d'un terme dans deux langues différentes. en effet, "kung fu" dans la culture chinoise signifie faire avec application, et intention, visant à atteindre la maîtrise, la perfection. Quand est-il de "l'art", tel qu'il est considéré par nous, occidentaux ? A bien y réfléchir, cela revient à la même chose. Et ce n'est pas peu dire ! A l'évocation d'un "art", l'esprit se tourne vers la précision, l'élégance, la performance et le raffinement. Il est quelque chose d'imperceptible, d'invisible et pourtant bien présent. Et bien le kung fu, c'est également cela. Kung fu et art ne représentent donc qu'une seule et même chose.
Dans une pratique il y a des amateurs, des passionnés, des professeurs et même parfois des maîtres. Tous pratiques l'art mais à différents niveaux. Nous pourrions prendre comme exemple les arts martiaux occidentalisés comme le judo ou le karaté qui attribue des ceintures de différentes couleurs selon le niveau de chacun. Pratiquer un art ne veux pas dire être un artiste (ou un maître) mais plutôt tendre toujours vers le mieux, au travers d'un grand savoir et d'une grande expérience, une vie durant.
Le thé n'y fais alors pas exception. "mais alors lorsque j'infuse mon thé en sachet dans mon mug 1.5 l, je pratique l'art du thé ? "... Et bien si l'on considère qu'une chenille devient inéluctablement un papillon, alors peut être que oui.
Pour finaliser cette réponse, peut être devrions nous d'abord répondre à une autre question: Est-ce nous qui choisissons notre art ou l'inverse ?
Entendons par là que tous passionnés ne sais jamais réveillez un matin en se disant "c'est CELA qui va me faire vibrer toute ma vie", Mais plutôt une succession d'événement, de rencontre, et surtout ce petit quelque chose qui nous pousse à aller toujours un peu plus loin, sans que l'on sache vraiment pourquoi.
Dans l'exemple concret du gong fu cha, c'est l'amateur qui passera du sachet conditionné aux thés en vrac, puis à la théière, au bateau à thé pour finir avec une bouilloire et quelque feuilles au beau milieu d'une clairière ! pour cette personne, la pratique de l'art du thé aura débuté à sa première gorgée mais, lui, ne le sait pas encore...
Histoire et origines
illustration représentant la découverte du thé par Shennong |
Historiquement le thé remonterait à - 2387 av JC et aurait été découvert par l'empereur shen nong connu en chine comme "le père de l'agriculture" ( une autre légende attribut l'existence du théier à Boddidharma, mais cela tient plus du mythe que d'une quelconque véracité historique ). D'abord consommé comme plante médicinale, le thé a dés lors accompagné la Chine dans toute sont histoire et à vu sa pratique de consommation évoluer au fil du temps pour arriver à ce que nous connaissons aujourd'hui, le thé en vrac.
Nous n'aborderons pas ici les différents aspect du thé au fil du temps car cela pourrait faire l'objet d'un article à lui tout seul mais allons faire un bon de quelques 3500 ans en avant pour nous retrouver à l'époque qing (1644-1912). Car, même si le thé a acquis ses lettres de noblesse dès la dynastie T'ang avec notamment le cha jing ( classique du thé ) de Lu Yu, c'est pendant la période qing qu'il a obtenu son titre de "kung fu cha".
Les habitants de Chaoshan ont, jusqu'à ce jour, un goût profond pour le thé et généralement pour les produits tel qu'ils sont, dans leur plus simple apparat.
Ils développèrent donc une technique spécifique visant à mettre en valeur l'essence même du thé, s'appuyant sur les textes anciens des dynasties précédentes T'ang et Song qui avaient élevés la pratique du thé à un niveau déjà plus que correct. Cette technique comprend beaucoup d'étapes, demande une connaissance élevée de lecture des feuilles et une fine précision des temps d'infusion et des températures. Ainsi, progressivement, cette technique acquis son "kung fu". Et il en faut pour mener à bien ces infusions !
chaozhou gong fu cha |
Petit à petit, le gong fu cha se répandit au travers du sud de la Chine et fût utilisé et adapté par l'ensemble des maîtres et amateurs de thé. Aujourd'hui, tel un flux imperceptible, le chaozhou gong fu cha continue d'influencer les méthodes d'infusions, se parant de multiple formes et accessoires mais conservant l'essence de ce qu'il est, l'art du thé.
A noter : même si le terme gong fu cha apparaît vers fin ming début qing, les maîtres de thés des époques T'ang et song possédaient déjà un incroyable kung fu qui leur permis de nous transmettre de formidable écrits remplits de savoir comme le poème de Lu tung ou le cha jing. Ce dernier, considéré par certains comme obsolète de nos jours et encore une mine d'informations sur l'art du thé. Bien sûr elles ne doivent pas être acquises de façon brut mais plutôt extrapolées à notre pratique moderne. Citons par exemple les préconisations de Lu Yu sur l'utilisation de tasses spécifiques qui mettent en valeur ou non la couleur du thé. Même si vrai à l'époque, ce n'est plus forcément le cas aujourd'hui. La leçon est donc que le choix de la tasse est important et à faire en fonction du thé infusé. Ces leçons sont pertinentes et nombreuses, aussi, pour les plus passionnés, nous vous invitons à lire cette oeuvre si ce n'est déjà fait.
Lu Yu préparant le thé |
Principes et méthode
Le principe initié par le chaozhou gong fu cha est d'infuser une grande quantité de feuille dans peu d'eau. Le ratio obtenu est de l'ordre de 80% de feuille sèches dans la théière. Ce dosage approprié pour les thés non roulés comme les dancong et yan cha, composé de grandes feuilles légères et volumineuses, ne convient cependant pas aux thés roulés. Car si l'on respect les mêmes proportions (80%) avec ce type de thé, la quantité utilisée devient alors astronomique, inutile, et sans intérêt pour la qualité de l'infusion. Les gens d'anxi ont alors adapté le gong fu cha à leurs thés (Tie guan yin, ben shan...) en ramenant le ratio de feuilles dans la théière à 30/40 % du volume de la théière. Cette méthode est également appliquée à Taïwan ( leur Oolong n'étant quasiment que des thés roulés ).
Oolong roulé à gauche ( Tie Guan Yin ), Oolong non roulé à droite ( Yan cha )
Pour comprendre l'art du thé, il faut d'abord comprendre comment marche le processus d'infusion.
Les feuilles au départ sèches, vont être ré-hydratée par l'eau et revenir petit à petit à leur forme originelle ( ou presque ). Plus ces feuilles vont "s'ouvrir", plus leurs saveurs vont se libérer dans l'eau. Le principe d'infusion consiste donc à capter au mieux les saveurs renfermés dans les feuilles.
L'art du thé lui, vise à maîtriser cette capture de saveurs. Ainsi, le maîtres de thé devra être capable d'ouvrir plus ou moins les feuilles, de façon rapide ou lente, de sorte à présenter en tasse tous les arômes ou seulement une partie, bien souvent en fonction de la qualité du thé.
Le 1er point clé de l'ouverture est la température, mais pas uniquement celle de l'eau ! Car si l'eau doit se trouver juste au dessous du point d'ébullition (95°c), celle des instruments peu être variable et à ajuster en fonction du thé brassé.
1) La matière de l'infuseur doit être choisit en fonction de ses propriétés thermiques et de ce que l'on recherche. Argile, porcelaine, ou métal, chacune à des caractéristiques thermiques qui lui sont propres et qui s'accorderont ou non avec le thé, citons par exemple les fameuses théières de yixing, petites préférées des amateurs de thé, connu pour leur montés en températures rapide et durable.
2) L'immersion est le deuxième paramètre qui permet d'agir sur la température. Grâce aux bateaux à thé en céramique ( sorte de petites assiettes à bord relevé ) utilisé dans le chaozhou gong fu, on peut au choix immerger ou non la théière.
- Dans le 1er cas (immersion), la chaleur ambiante va monter très haut et va permettre une ouverture rapide des feuilles et une extraction puissante des arômes;
- dans le 2eme (non immersion), la température ambiante va redescendre plus vite et l'ouverture ainsi que l'extraction seront plus lente et délicate;
L'utilisation d'une réhausse dans les bateaux en céramique ou celle d'un bateau en bois ajouré permet une 3 éme option, celle d'asperger la théière d'eau bouillante sans pour autant l'immerger.
Après la température vient la verse de l'eau. point totalement ignoré par la majorité des amateurs de thé occidentaux, cette notion est pourtant capital dans le rendu que l'on obtiendra dans la tasse. Plus la verse sera brutale, plus l'extraction sera forte; plus la verse sera délicate plus l'extraction le sera.
Ainsi les thés fins et roulés faiblement oxydés auront besoin d'une verse puissante (mais pas directement sur les feuilles ) pour s'ouvrir correctement et libérer leur fines saveurs;
tandis que les Oolong torréfiés ( hung shui, yan cha...) demanderons une verse plus souple, car sinon la torréfaction et l'amertume contenue sur l'extérieur des feuilles seront immédiatement libérées et cacherons alors les saveurs retenues au cœur des feuilles.
2eme passe d'un gui fei, débit légèrement puissant sur le feuilles |
La dernière clé de la méthode gong fu sera le temps. Et à cette question il est plus difficile d'apporter une explication ferme. La durée de chaque infusion va dépendre essentiellement :
- de la qualité du thé
- du rendu souhaité
- de la préférence des hôtes
- des infusions précédentes
Cette dernière étape nécessite l'expérience,la connaissance et la compréhension du thé infusé. Si la précédente passe était trop forte on peux réduire le temps de la prochaine, si un hôte préfère la force alors on le servira en dernier lui offrant alors les saveurs les plus concentrées...
La seule règle que l'on peut donner est la suivante:
Plus le thé est de qualité, plus il supportera de longues infusions
Ainsi il sera toujours plus facile de réussir un bon thé qu'un mauvais, peut être est-ce là que réside l'art du thé...
Implication du tout
Maintenant que la méthode est dégrossit, l'on pourrait croire que tout est finit. Pourtant, même si pour une majeure partie des buveurs de thé le gong fu s'arrête là, la réalité de ce qu'il est va beaucoup plus loin. Car l'art du thé dans son ensemble implique le thé certes, mais aussi l'intégralité de ce qui l'entoure, l'environnement, l'espace, les couleurs... Ce principe est illustré à merveille dans la cérémonie de thé japonaise cha no yu. De la fleur unique présente dans la salle jusqu'à la taille même de cette pièce, tout et judicieusement choisit et préparé par le maître, dans le but d'accompagner le thé jusqu'à son aboutissement divin.
Le tout doit être pratiqué au travers du "wu wei" ( non-agir ). Etre conscient de l'inconscient, faire sans démontrer, déguster sans théâtraliser. Car si l'on pense à verser, alors la verse sera hésitante et dissipée, si l'on verse, l'eau sera versée.
Finalement arrivé au bout de cet article, rendons nous à l'évidence que le plus important est sans nul doute l'expérience et la pratique. Alors goutez, testez, comparez, partagez ! Car au final tout le monde potentiellement sait infuser, il suffit de savoir écouter et comprendre, ce que tente de nous enseigner le thé...
Bonne route sur la voie du thé
De coupe en coupe l'amateur suit sa route... |
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